Un programme d'Entrepreneurs du Monde

jeudi 18 décembre 2008

Quand le « Printemps » rencontre Chamroeun



Depuis le 24 novembre dernier Arnold et moi avons enfin établi nos quartiers à Phnom Penh, et ce pour une durée de trois semaines, afin de suivre Grégoire dans son activité quotidienne et de comprendre concrètement le fonctionnement de Chamroeun. Arnold est journaliste, je suis réalisatrice et depuis bientôt deux ans nous réalisons un documentaire sur les entrepreneurs sociaux: «Le printemps des Bonzaïs». Grégoire en est l'un des principaux protagonistes.

Depuis le mois de mai dernier, nous étions en contact avec Grégoire et Entrepreneurs du Monde et nous suivions son activité à distance, jusqu'à trouver aujourd'hui un moment adéquat pour organiser un tournage sur place, et voir si la réalité correspondait à ce que nous avions lu et entendu. C'était un pari comme nous l'a fait justement remarquer Grégoire à notre arrivée, mais un pari partagé car nous n'aurions pas hésité à faire connaître nos doutes si nous avions été déçus.

En l'occurrence la découverte de Chamroeun a correspondu à nos attentes.
Arrivés au moment des bilans du mois de novembre, nous nous sommes en premier lieu tout de suite aperçus de la rigueur et de l'organisation que demandait une entreprise comme Chamroeun. Du nouveau directeur (Sophea), futur remplaçant de Grégoire, de l’équipe des services non financiers en passant par les responsables d’agences, chacun gère son équipe, ses problèmes, et à chaque fin de mois, quand les résultats tombent, ils sont discutés, évalués, comparés, chacun apportant sa pierre à un édifice qui aujourd'hui compte 8 agences et 57 employés. Et dire que Grégoire nous parle encore avec émotion de son arrivée il y a trois ans avec son petit sac à dos et de ses premiers bureaux où on ne pouvait pas tenir debout !

Le plus intéressant pour nous a quand même été la suite : la véritable enquête de terrain ! Pendant une semaine, Grégoire et nous mêmes avons suivis étape par étape le processus d'attribution des prêts : de la première rencontre à l'agence, en passant par la visite à domicile, à la réunion du comité de crédit entre les employés de l'agence, jusqu'au versement du prêt à la personne intéressée. Long Sophong, Tem Srey, Hem Sary, autant de personnes, autant de destins qui ont croisé la route de Chamroeun. Certaines histoires sont de véritables success stories, d'autres restent très compliquées et enclines aux coups du sort.
Quoiqu'il en soit nous avons eu un panel assez représentatif : des situations d'extrême précarité où Chamroeun pratique la « nano finance », à celle un peu plus confortable des « entrepreneur-loans », prêts pour les emprunteurs dont les business sont un peu plus solides.
Nous avons également assisté aux services plus sociaux qu’apporte Chamroeun : les services non financiers. Des cours de cuisine (occasion pour nous de déguster de bons petits plats khmers), des formations au marketing... Dans chaque agence, au cours de chaque formation nous avons été extrêmement bien accueillis. Si la présence de la caméra en a étonné certains, tout le monde nous a répondu avec enthousiasme. Qu'il s'agisse de Grégoire, des partenaires ou des employés de Chamroeun, tous se sont prêtés au jeu de bonne grâce.

Si je ne devais garder qu'un souvenir, ou qu'une image de cette expérience Chamroeun (à part celle où Arnold a eu l'honneur de remettre les diplômes de fin de formation d'un atelier cuisine), ce serait peut-être celle des réunions de comité de crédit, où l'on perçoit bien la difficulté de trouver un juste équilibre entre la volonté d'aider ces personnes à sortir d'une misère noire, et la nécessité de trouver non seulement le montant « juste » mais aussi de limiter les risques, et ainsi d’assurer la pérennité de l'action de Chamroeun.
En bref, l'économie à visage humain... le cœur de notre sujet.

Léa
http://www.rue89.com/printemps-des-bonzais

jeudi 4 décembre 2008

Eléments d’analyse de l’outil de mesure de pauvreté

Souvenez-vous : en octobre 2007, je vous annonçais la mise en place d’un outil de mesure de pauvreté ayant le double objectif de situer le niveau de pauvreté des bénéficiaires de Chamroeun et d’évaluer l’évolution de la situation des familles au fil du temps. Je vous renvoie au post du 19 octobre de l'année dernière pour plus de détails.

Un an après le lancement de cet outil, voici de manière synthétique quelques éléments d’analyse.
Les indicateurs ci-dessous illustrent les situations de pauvreté de nos bénéficiaires :

  • Dans 72% des foyers, personne n’a poursuivi ses études au-delà du collège.

  • Dans 25% des foyers, personne n’a poursuivi ses études au-delà du primaire.

  • Dans 84% des cas, le capital de la petite activité économique est inférieur à 200$.

  • 26% des foyers n’ont pas de toilettes dans leurs logements.

  • 75% des foyers n’ont pas de mobylette d’une valeur de plus de 500$ (la mobylette est le moyen de transport par excellence au Cambodge et fait partie des équipements de base des familles).

  • 41% des foyers n’ont pas de téléphone.

  • Dans 67% des cas, les personnes n’ont pas trois repas par jour.

  • Dans 37% des foyers, les gens ne consultent pas un médecin en cas de maladie sérieuse.

Sur une échelle de 0 à 100, 0 représentant les cas extrêmes de pauvreté et 100 représentant le niveau de sortie de pauvreté, voici comment se situent nos bénéficiaires selon leur ancienneté chez Chamroeun. La courbe « 1st cycle » correspond à l’entrée dans le programme, la courbe « 4th cycle » correspond environ à 1 année d’ancienneté et la courbe « 7th cycle », environ à 2 années.

On voit très clairement une amélioration globale et progressive du niveau de pauvreté en fonction du temps pendant lequel les partenaires ont bénéficié de nos services.

En une année, 74% des partenaires ont amélioré ou maintenu leur situation de pauvreté avec une progression moyenne de 15 points sur l’échelle de 100. 26% ont malheureusement vu leur situation se dégrader avec une perte moyenne de 4,5 points sur 100.